Marie Gérin-Lajoie (1890-1971) est sans doute l'une des plus belles figures du XXe siècle québécois. Née à une époque où l'on ne remet pas en question « l'ordre providentiel des choses», elle a su être une grande novatrice, tout en agissant dans la continuité des traditions qui l'ont formée. Première bachelière canadienne-française, elle a été une militante exemplaire dans la cause de l'éducation des femmes et une véritable pionnière dans le domaine du service social. À l'âge de trente-trois ans, elle a fondé l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil, un groupement religieux d'avant-garde voué à l'action sociale. Il faut dire que Marie Gérin-Lajoie est issue d'une de ces familles de la bourgeoisie éclairée, où l'aisance matérielle n'exclut pas les préoccu­pations intellectuelles ou sociales. Pour ces catholiques « libéraux», les privilèges qui découlent de l'éducation, de l'argent et des titres impli­quent des responsabilités équivalentes envers les moins favorisés. Sa mère (qui porte le même nom) est particulièrement influencée par les thèses généreuses du catholicisme social européen; cofondatrice puis présidente du premier mouvement féministe et social à voir le jour au Québec (la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste), elle transmet à sa fille cette idée que le progrès social ne se réalise pas seulement à coup de dévouements individuels et qu'une solidarité efficace repose sur une connaissance rigoureuse du milieu et de ses besoins. Admirable­ment écrit, ce livre est la première grande biographie de cette femme remarquable, dont la pensée et l'action restent d'une étonnante actualité.